La pajo de prouvençau

 

FELIBRE, s. m.. Félibre, poète provençal de la seconde moitié du 19ème siècle, litérateur de la langue d'Oc, membre du Félibrige.

Le mot felibre fut adopté en ce sens à partir de l'année 1854 par les promoteurs de la renaissance linguistique et littéraire du Midi. Le 21 mai 1854, sept jeunes poètes, MM Théodore Aubanel, Jean Brunet, Anselme Mathieu, Frédéric Mistral, Joseph Roumanille, Alphonse Tavan, et Paul Giéra, amphytrion, se réunirent au castel de Font-Ségugne, près de Châteauneuf-de-Gadagne (Vaucluse), pour concerter dans un banquet d'amis la restauration de la littérature provençale. Au dessert, on posa les bases de cette palingénésie et on chercha un nom pour en désigner les adeptes. On le trouva dans une poésie légendaire que Mistral avait receuillie à Maillane, poésie qui se récite encore en guise de prière dans certaines familles du peuple. C'est un récitatif rimé dans lequel la Vierge Marie raconte ses sept douleursà son fils dans une vision de Saint Anselme. Voici le passage qui contient le mot felibre :

La quatrièmo doulour qu'ai souferto pèr vous,
o moun fiéu tant precious,
Es quand vous perdeguère,
Que de tres jour, tres niue, iéu noun vous retrouvère,
Que dins lou tèmple erias
Que vous disputavias
Emé li tiroun de la lèi,
Emé li sèt felibre de la lèi.

Le mot felibre, aussi inconnu du reste que le mot tiroun, ayant évidemment dans ce morceau le sens de "docteur de la loi", fut acclamé par les sept convives, et l'Armana prouvençau, organe de la nouvelle école proposé et fondé dans la même séance, l'Armana prouvençau pèr lou bèl an de Diéu 1855, adouba e publica de la man di felibre, annonça à la Provence, au Midi et au monde que les rénovateurs de la littérature provençale s'intitulaient "félibres".

Ce vocable mystérieux, rapidement vulgarisé par les oeuvres de ceux qui l'avaient adopté, figure depuis dans les dictionnaires français (Bouillet, Larousse, Littré, etc.). Son origine a exercé la sagacité des philologues et bien des éthymologies ont été proposées :

1- Felibre viendrait du latin felibris ou felebris, mot qui se trouve dans Solinus, Isidore de Séville et Papias, et que Ducange interprète par "nourrisson, adhuc lacte vivens", dérivé du verbe fellare, téter, lequel fellare a donné naissance à filius, fils. Les poètes, de tout temps, ont été dénommés "nourrissons des Muses, alumni Musarum", et, comme le fait observer Garnier, alumnus, en latin, avait le sens actif et passif et désignait le disciple et le maître, comme escoulan en provençal. Il est à remarquer que le mot tiroun, qui, dans le texte populaire, semble synonyme de felibre, rappelle le verbe provençal tira signifiant aussi "téter". Le latin tiro veut dire "novice".

2- Felibre viendrait du grec, mot qu'on trouve dans la grammaire hébraïque de Chevalier (1561) et qui a, de longue date, été appliqué dans les synagogues aux docteurs de la loi.

3- Felibre viendrait du grec, felibos, ami du beau.

4- Felibre, viendrait de l'irlandais filea, poète, barde.

5- Felibre viendrait du germainique filibert, dont le sens est encore inconnu.

6- Felibre viendrait du provençal fe, libre, libre par la foi.

7- Felibre viendrait de l'andalous filabre, dont nous ignorons les sens. La Sierra de Filabres est une montagne d'Andalousie.

Quant à l'éthymologie expliquant felibre par "faiseur de livres", elle ne supporte pas l'examen, attendu qu'elle n'est pas dans le génie de la langue, car on dirait en cas fa-libre ou fai-libre.

Texte du Grand Trésor du Félibrige